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Le Locataire de Roman Polanski

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Le Locataire

ARTE diffuse lundi 11 mai à 22h40 Le Locataire (The Tenant, 1976) de Roman Polanski, sélectionné la même année au Festival de Cannes en compétition officielle, où il reçut un accueil désastreux. Il s’agit du premier film tourné en France par Polanski, même s’il fut produit avec des capitaux américains et tourné en anglais – puis doublé par la suite en français.

Trelkovsky (interprété par Roman Polanski sans être crédité au générique), d’origine polonaise, travaille dans un service d’archives et se lie difficilement avec ses collègues. Il visite un appartement inoccupé dans un quartier populaire de Paris et la concierge lui apprend que la locataire précédente s’est jetée par la fenêtre quelques jours auparavant. Trelkovsky s’installe dans l’appartement. Mais il est bientôt victime de multiples vexations de la part de ses voisins…

Le Locataire, d’après le roman de Roland Topor Le Locataire chimérique publié en 1964, est une vision oppressante de Paris et un des films les plus convaincants jamais réalisés sur la schizophrénie. Il s’agit du chef-d’œuvre maudit de Roman Polanski – le film fut incompris et sous-estimé au moment de sa sortie, avant d’être considéré parmi les meilleurs de son auteur. Le Locataire n’est pas proprement parlé un film d’horreur et c’est pourtant un film terriblement angoissant, une plongée dans la folie à vous glacer le sang, avec des images atroces et dérangeantes qui s’inscrivent à tout jamais dans votre cerveau. Polanski, comme Hitchcock ou Kubrick, est passé maître dans l’art de capturer le spectateur pour le conduire exactement là où il veut.

Roman Polanski et Isabelle Adjani dans Le Locataire

Roman Polanski et Isabelle Adjani dans Le Locataire

Le cinéaste parle avant tout de l’anxiété d’être un étranger dans une grande ville, seul et en proie à l’hostilité de tous. Ce qui commence en inventaire des tracas de la vie de locataire à Paris – tapage nocturne, voisins malveillants, concierge acariâtre et propriétaire menaçant – se transforme peu à peu en délire paranoïaque.

Une pétition pour faire expulser de l’immeuble une vieille femme au nom arménien, les remontrances et les insinuations en tous genres dont est victime Trelkovsky font ressurgir dans Le Locataire les spectres de la Collaboration, d’autant plus que Trelkovsky est d’origine juive et que son statut d’étranger lui est sans cesse rappelé…

Roman Polanski dans Le Locataire

Roman Polanski dans Le Locataire

A l’intérieur de la filmographie de Polanski Le Locataire s’inscrit dans la continuité de Répulsion et de Rosemary’s Baby. Fictions hantées de l’enfermement, du dédoublement de personnalité et de la persécution, les trois films montrent le glissement progressif de la réalité vers le cauchemar. Mais dans Le Locataire, Polanski opte franchement pour le grotesque et l’humour noir et crée un personnage qui n’est dangereux que pour lui-même, sadomasochiste et névrosé qui va endosser la défroque de la précédente locataire et subir jusqu’à l’autodestruction le harcèlement de son voisinage et les hallucinations qui en résultent. La dimension comique et grinçante du Locataire est accentuée par les choix de Polanski qui mélange de manière inattendue des vieilles gloires hollywoodiennes (Shelley Winters, Melvyn Douglas vu chez Lubitsch ou Cukor, Jo Van Fleet) dans des rôles inquiétants et la nouvelle génération des comédiens comiques français du Café de la Gare et du Théâtre du Splendid dans des apparitions bouffonnes (Josiane Balasko, Michel Blanc, Gérard Jugnot, Romain Bouteille, Rufus…) sans oublier Bernard Fresson et Isabelle Adjani dans des contre-emplois surprenants.

A Londres (Répulsion) et New York (Rosemary’s Baby) succède Paris du temps du trou des Halles, capitale en travaux débarrassée de sa séduction touristique et plongée dans une atmosphère glauque et lugubre. Tous les clichés de la ville lumière sont balayés, l’appartement de Trelkovsky se situe dans les quartiers populaires du Nord de la ville mais Polanski parvient aussi à rendre inquiétants les quais de Seine et les jardins du Luxembourg. Fidèle à sa réputation de perfectionniste attentif aux moindres détails artistiques et techniques Polanski préféra reconstituer en studio l’immeuble et sa cour afin d’y régler avec plus de liberté de complexes mouvements de caméra et des perspectives truquées. Le Locataire dont la photographie est signée Sven Nykvist chef-op attitré de Bergman est le premier long métrage à utiliser la grue Louma, notamment pour son sinueux plan d’ouverture, qui n’est pas sans rappeler les célèbres plans séquences de Orson Welles comme ceux de La Soif du mal, diffusée sur ARTE juste avant Le Locataire.

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Ceux qui servent en mer de Noel Coward et David Lean

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Elephant propose à partir du 5 mai dans la collection « Cinéma Master Class » toute une série de films anglais des années 40 participant à l’effort de guerre. Parmi eux, le plus célèbre est sans doute Ceux qui servent en mer (In Which We Serve, 1942) de Noel Coward et David Lean, dans un combo Blu-ray et DVD en version restaurée inédite full HD.

Grande vedette de la scène et de l’écran en Grande-Bretagne, Noel Coward était ami avec Lord Mountbatten qui lui avait raconté le naufrage du vaisseau qu’il commandait, coulé par les Allemands. Coward décide de s’inspirer de cette histoire vraie pour écrire et mettre en scène un fleuron du cinéma de propagande anglais. Le nom de Coward n’apparaît pas moins de six fois au générique – il interprète également le rôle principal – mais il partage la réalisation du film avec le jeune David Lean, dont c’est le premier travail à ce poste. Lean, d’abord assistant opérateur, était devenu un monteur réputé avant de passer à la mise en scène sous les auspices de Coward. La collaboration sera optimale, sans compter l’importance du directeur de la photographie, Ronald Neame. Lean avait auparavant refusé de réaliser des séries B pour se faire la main, attendant son heure avec une grande œuvre à la hauteur de ses ambitions. Il ne sera pas déçu avec Ceux qui servent en mer un film de guerre à la gloire de la Marine britannique qui remportera un très grand succès, malgré la méfiance initiale des producteurs qui doutaient que l’on puisse faire un film de propagande efficace à partir de la destruction d’un bateau de guerre anglais par les Nazis.

Noel Coward dans Ceux qui servent en mer

Noel Coward dans Ceux qui servent en mer

Ceux qui servent en mer, dédié à la Royal Navy, narre l’histoire du destroyer HMS Torrin (le film débute par des images documentaires montrant sa construction dans un montage lyrique et rigoureux) mais c’est avant tout l’épopée humaine de son équipage qui intéresse Coward.

L’action débute le 23 mai 1941 au large de la Crète, lors d’une bataille navale. Le HMS Torrin parvient à couler plusieurs bateaux allemands mais il est touché par les bombes de Junkers arrivés en renfort.

C’est après avoir vu Citizen Kane que Coward aurait eu l’idée d’un récit morcelé et choral, qui débute par la fin et se poursuit avec de nombreux retours en arrière, adoptant les points de vue des quelques survivants du naufrage, accrochés à un canot, qui se remémorent leurs souvenirs de paix et de guerre. A travers cet échantillon d’hommes ordinaires Coward fait l’éloge de toute une nation. Ce film de guerre maritime fait la part belle aux scènes sur la terre ferme afin de souligner le courage des femmes et des familles loin du front – l’un des plus beaux moments du film concerne le bombardement de Londres par l’aviation allemande.

Emotion rentrée, humour pince sans rire, patriotisme tranquille, importance de la hiérarchie et des différences de classes : c’est le triomphe du cinéma classique anglais. A découvrir ou revoir le film aujourd’hui on est impressionné par cet étendard des valeurs britanniques (bravoure, dignité, pudeur) porté par des acteurs formidables. L’alternance des scènes civiles et militaires compose une fresque intimiste qui force le respect. L’humanisme de Ceux qui servent en mer est certainement imputable à Coward, tandis que la précision et la rigueur de sa mise en scène doivent beaucoup à la maîtrise précoce de David Lean.

Ceux qui servent en mer

Ceux qui servent en mer

 

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The Lost Moment de Martin Gabel

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Sidonis dans sa collection « perles noires » nous permet de découvrir en DVD une rareté et une curiosité absolues dont nous n’avions jamais entendu parler, The Lost Moment (1947), unique réalisation de l’acteur Martin Gabel, inédite en France.

Un éditeur new yorkais se rend à Venise à la recherche de lettres d’amour de Jeffrey Ashton, un grand poète du XIXème siècle disparu dans des circonstances mystérieuses, dans l’espoir de les publier. Il pense que ces lettres se trouvent dans un palais qui a abrité sa passion avec sa dernière maîtresse Juliana Bordereau à qui ces lettres étaient adressées. Il ment sur sa véritable identité et se fait passer pour un écrivain en villégiature afin de ne pas éveiller les soupçons de Juliana âgée de 105 ans vivant recluse dans le palais et de sa nièce Tina au comportement étrange.

Les amateurs de Henry James auront reconnu sa nouvelle Les Papiers d’Aspern dont The Lost Moment est une adaptation assez fidèle et surtout très intelligente. Aspern s’appelle désormais Ashton – poète inspiré par Shelley – et le scénariste du film, Leonardo Bercovici, a modifié la fin imaginée par James.

Martin Gabel était un excellent acteur vu dans de nombreux films hollywoodiens dans des seconds rôles. Il appartenait à la compagnie du Mercury Theater dirigée par Orson Welles, dont il était un des membres fondateurs à l’instar de Joseph Cotten, Everett Sloane ou Agnes Moorehead qui interprète Juliana dans The Lost Moment, sous un maquillage de vieillarde qui la rend méconnaissable.

On ignore ce qui le poussa à passer derrière la caméra en 1947 – l’influence de Welles ? – mais l’échec critique et commercial de The Lost Moment découragea Gabel qui ne donna pas de suite à ce premier essai pourtant singulier, sans doute trop intellectuel et indéfinissable pour le public et les journalistes.

Robert Cumming et Susan Hayward dans The Lost Moment

Robert Cummings et Susan Hayward dans The Lost Moment

The Lost Moment est en effet un remarquable film d’atmosphère qui emprunte au cinéma psychologique mais aussi au fantastique et à l’horreur – certaines images ou séquences telles les mains griffues de Juliana crispées sur un bras de fauteuil sont dignes d’une production Val Lewton. La majorité de l’action se déroule dans une inquiétante demeure, un immense palazzo vénitien déserté et plongé dans la pénombre. L’éditeur découvre que Tina est comme possédée par la belle femme amoureuse que fut sa tante du temps de sa jeunesse, apparaissant le jour en costume de deuil dans le monde des vivants, et resplendissante la nuit dans le personnage de Juliana, au royaume des morts. Ce dédoublement de personnalité, ce lieu hanté par des fantômes, des lourds secrets et des disparitions mystérieuses, un va et viens entre le jour et la nuit, le présent et le passé permettent d’évoquer un certain courant du mélodrame gothique hollywoodien qui a souvent puisé dans la littérature, comme Rebecca de Alfred Hitchcock ou Le Secret derrière la porte de Fritz Lang, réalisé la même année que The Lost Moment et produit par le même homme, Walter Wanger.

La reconstitution de Venise dans les studios californiens est charmante et Juliana est interprétée par la merveilleuse Susan Hayward, ce qui ajoute au plaisir éprouvé à la découverte de ce bel exemple de hapax cinématographique, heureusement sorti de l’oubli par un éditeur cinéphile.

 

 

 

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ARTE accompagne des films du monde entier au Festival de Cannes

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La 68ème édition du Festival de Cannes se déroulera du 13 au 24 mai 2015 et ARTE compte 24 productions soutenues par ARTE (parmi lesquelles 14 coproductions ARTE France Cinéma), soit exactement le même nombre et la même répartition que l’année dernière, invitées dans les différentes sections, officielles et parallèles, de la manifestation cinématographique cannoise. Des films majoritairement européens mais aussi en provenance d’Asie, d’Afrique et du Moyen-Orient, ou tournés en Amérique du Nord et en Australie. En voici la liste.

Sélection officielle

4 films en Compétition

Louder than Bombs (Plus fort que les bombes) de Joachim Trier (ARTE France Cinéma)

Mia madre de Nanni Moretti (Grand Accord ARTE France Cinéma / WDR, proposé par la France)

Nanni Moretti et Margherita Buy dans Mia Madre de Nanni Moretti

La Loi du marché de Stéphane Brizé (ARTE France Cinéma)

Sortie le 19 mai 2015.

Shan He Gu Ren (Mountains May Depart) de Jia Zhangke (ARTE France Cinéma)

 

6 films à Un Certain Regard

Film d’ouverture : AN de Naomi Kawase (ZDF / ARTE)

The Other Side de Roberto Minervini (ARTE France Cinéma / ARTE France – Unité Société et culture) documentaire

Comoara (Le Trésor) de Corneliu Porumboiu (ARTE France Cinéma)

Masaan (Fly Away Solo) de Neeraj Ghaywan (ARTE France Cinéma) premier film

Lamb de Yared Zeleke (ZDF / ARTE) premier film

Rak Ti Khon Kaen (Cemetery of Splendour) de Apichatpong Weerasethakul (ZDF / ARTE)

 

1 film en Séance Spéciale

Amnesia de Barbet Schroeder (ARTE France Cinéma)

Sortie le 19 août 2015, accompagnée d’une rétrospective des films de Barbet Schroeder en version restaurée.

 

1 court métrage en compétition

Le Repas dominical de Cécile Devaux (ARTE France – Unité cinéma) animation

 

3 films à Cannes Classics

Hitchcock / Truffaut de Kent Jones (ARTE France – Unité Société et culture) documentaire

Orson Welles, autopsie d’une légende de Elisabeth Kapnist (ARTE France – Unité Arts et spectacles) documentaire

Ingrid Bergman – In Her Own Words de Stig Björkman (ZDF / ARTE) documentaire

 

6 films à la Quinzaine des Réalisateurs

Stanislas Mehrar et Clotilde  de Philippe Garrel ( © Guy Ferrandis – SBS Productionsde Philippe Garrel

Film d’ouverture : L’Ombre des femmes de Philippe Garrel (ARTE France Cinéma)

http://www.arte.tv/sites/fr/olivierpere/2014/11/29/sur-le-tournage-de-lombre-des-femmes-de-philippe-garrel/

Sortie le 27 mai 2015.

Mustang de Deniz Gamze Ergüven (ZDF / ARTE) premier film

Fatima de Philippe Faucon (ARTE France Cinéma)

Sortie le 7 octobre 2015.

As mil e uma noites (Les Mille et Une Nuits) de Miguel Gomes (Grand Accord ARTE France Cinéma / ZDF, proposé par la France)

Volume 1, o inquieto (l’inquiet)

Volume 2, o desolado (le désolé)

Volume 3, o encantado (l’enchanté)

http://www.arte.tv/sites/fr/olivierpere/2014/02/20/miguel-gomes-tourne-les-mille-et-une-nuits/

 

2 films à la Semaine de la Critique

Séance spéciale : Les Deux Amis de Louis Garrel (ARTE France Cinéma) premier film

En compétition : Dégradé de Arab et Tarzan Nasser (ARTE / COFINOVA) premier film

 

1 film à l’ACID

Crache cœur de Julia Kowalski (ARTE / COFINOVA) premier film

 

 

De la plupart de ces films nous parlerons en direct de Cannes, avec des articles, des entretiens vidéos et des photos postés quotidiennement sur ce blog pendant toute la durée du festival. Nous n’évoquerons pas seulement les coproductions ARTE mais aussi d’autres films qui nous ont plus, parfois en compagnie de leurs auteurs.

On attend bien sûr avec impatience The Assassin de Hou Hsiao-hsien, grand retour au cinéma du maître taïwanais, Trois Souvenirs de ma jeunesse de Arnaud Desplechin, Voyage sur l’autre rive de Kiyoshi Kurosawa (vu à Paris et très réussi), les nouveaux films de Todd Haynes, Gus Van Sant et Woody Allen, sans oublier les nombreuses (bonnes) surprises et découvertes qui nous l’espérons émailleront cette nouvelle édition cannoise – on peut déjà compter dans cette catégorie sur Paulina le deuxième film du talentueux cinéaste argentin Santiago Mitre (El estudiante, remarqué à Locarno), à la Semaine de la Critique.

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Mad Max de George Miller

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Tandis que le très attendu Mad Max : Fury Road fera sa première apparition hors compétition au Festival de Cannes avant de sortir juste après en salles le 14 mai, Warner en profite pour rééditer à partir du 6 mai en blu-ray à la vente les trois premiers films de la tétralogie futuriste et pétaradante imaginée par George Miller. Pour le plus grand plaisir des fans qui ont grandi avec ces chefs-d’œuvre (au moins pour les deux premiers titres) de la science-fiction et du cinéma d’action moderne, fleurons des multiplexes mais aussi des vidéoclubs et qui ont bercé l’adolescence de nombreux cinéphiles et cinéphages dans les années 80.

« Quand la violence s’empare du monde, priez pour qu’il soit là » clamait l’affiche française d’un obscur film australien réalisé par des inconnus et qui faillit être rebaptisé « Matière hurlante » en France, sans doute en clin d’œil au magazine de bande dessinée « Metal Hurlant » , référence des amateurs de SF et de contre-culture rock.

Dans un futur proche (aujourd’hui derrière nous), un flic de la route venge son collègue et sa famille massacrés par un gang motorisé. Réalisé en 1979 par George Miller, en plein essor du cinéma australien et de l’ozploitation, Mad Max (photo en tête de texte) fut victime de la censure giscardienne et classé X pour extrême violence, et soupçonné de fascisme, avant d’être « libéré » par le ministre de la culture socialiste Jack Lang. Sa sortie dans les salles françaises eut l’effet d’une bombe à retardement, sans compter son triomphe en VHS. Cette vision terrifiante d’un monde assailli par la barbarie, entre Orange mécanique et les films d’autodéfense, ne peut être assimilé à un fantasme sécuritaire et charrie de nombreuses allusions shakespeariennes, les mains dans le cambouis et le nez dans l’essence. L’ambiguïté morale et émotionnelle de son héros aux traits juvéniles et bardé de cuir (le débutant Mel Gibson) est soulignée par un fétichisme vestimentaire et mécanique très homosexuel, proche du Scorpio Rising de Kenneth Anger, mixé à un sens du cadre en écran large, du montage et de l’espace qui n’ont rien à envier à John Carpenter, Sergio Leone ou Sam Peckinpah.

Mad Max 2, le défi de George Miller

Mel Gibson dans Mad Max 2, le défi de George Miller

Un choc qui allait être prolongé par une suite encore plus spectaculaire et iconique, toujours mise en scène par Miller. Mad Max 2, le défi (The Road Warrior, 1981) plonge son héros dans un univers apocalyptique où l’essence est devenue l’objet de luttes entre hordes de survivants. Le film intensifie la cadence des poursuites automobiles qui avaient fait la réputation du premier opus pour déboucher sur une forme de grand huit cinématographique jouissif et décapant. L’accoutrement carnavalesque des méchants évoque le western italien et l’heroic fantasy, tandis que la succession presque ininterrompue de scènes d’action fit de Mad Max 2 un des films de science-fiction les plus originaux (et imités) des années 80, avec un Mel Gibson de plus en plus charismatique en route pour la gloire. Nous avouons n’avoir jamais vu Mad Max au-delà du dôme du Tonnerre (Mad Max Beyond Thunderdome, 1985), inquiété par la tournure hollywoodienne que prenait les aventures de notre guerrier de la route préféré. Secondé par un coréalisateur pour les cascades (?) Miller semblait y délaisser le nihilisme et la violence pour l’aventure familiale, avec un Mel Gibson christique et chevelu dans un désert de sable entouré d’une bande de moutards au lieu des motards habituels. Et puis il y avait Tina Turner au look atroce en méchante… Le résultat dépita les fans de la première heure. Séance de rattrapage en vue en attendant Mad Max : Fury Road.

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Fargo de Joel Coen

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ARTE consacre une soirée spéciale à Joel et Ethan Coen, présidents du jury du 68ème Festival de Cannes en diffusant deux de leurs meilleurs films, présentés et primés à Cannes, dimanche 17 mai : Fargo à 20h45 et Barton Fink à 22h20. Joel en signe seul la mise en scène, tandis que Ethan se contente comme à son habitude du poste de coscénariste, mais les deux frères sont bel et bien seuls maîtres à bord, et il leur serait bien difficile d’envisager de faire du cinéma l’un sans l’autre.

Le film débute sur un mensonge : l’histoire que les frères Coen vont nous raconter, soit disant inspirée d’un fait-divers, a été totalement inventée par eux. Fargo (1996) s’inscrit dans la longue généalogie du cinéma criminel américain, comme leur premier film Sang pour sang en 1984, mais aussi dans une tradition fabulatrice qui est aussi celle de Orson Welles, avec des longs métrages qui accordent aux mots, à la performance des acteurs et à une certaine maestria narrative une importance primordiale.

Un pauvre – et sale – type (formidable William H. Macy) qui veut investir dans l’immobilier engage deux truands pour kidnapper sa propre épouse car son beau-père est très riche et il pense qu’il va payer la rançon pour la libération de sa fille. Mais absolument rien ne va se passer comme prévu…

Fargo est film sur la malchance poussée jusqu’à l’absurde, sur le conflit entre la banalité de l’existence et un enchaînement incontrôlable de morts violentes. Une étrangeté familière imprègne tout le film, nourri des valeurs de l’Amérique – Le Minnesota où se déroule l’action est sensé être l’état le plus poli des Etats-Unis, mais cela cache une répression terrible de la violence, toujours prête à exploser. Fargo est une tranche saignante et rigolarde d’Americana, qui cultive une esthétique de la banalité et aussi de la neige – les étendues blanches du paysage rendent encore plus impressionnantes les giclées de sang qui scandent le récit.

Steve Buscemi dans Fargo

Steve Buscemi dans Fargo

Auteurs 100% américains sans aucune référence culturelle exogène les frères Coen sont les bardes de l’Amérique profonde, en particulier de ce Midwest où les frères ont grandi – ils sont natifs de Minneapolis, Minnesota et Fargo s’évertue à restituer l’accent et les expressions langagières cocasses des habitants de cet état réputé pour ses lacs et ses réserves naturelles.

Fargo se caractérise avant tout par sa galerie personnages excentriques, inquiétants ou stupides (ou les trois à la fois) tels ce duo de gangsters psychopathes, un petit bavard agité (Steve Buscemi) et une grande brute taiseuse (Peter Stormare) dont le comportement erratique et les querelles vont déclencher la majorité des catastrophes qui se succèdent dans le film.

Comme souvent dans la première moitié de la filmographie des frères Coen ce conte de la folie ordinaire se pare d’une fascination amusée pour l’idiotie sous toutes ses formes. Au milieu de cette nasse d’hommes sans qualités surnage une femme à l’intelligence et au professionnalisme extraordinaires, shérif enceinte jusqu’aux yeux qui mène l’enquête après la découverte des premiers meurtres.

Ce personnage débonnaire allie gentillesse non feinte, détérmination et esprit de déduction infaillible, véritable Colombo au féminin merveilleusement interprété par Frances McDormand, qui remporta un Oscar bien mérité pour ce rôle…

Frances McDormand dans Fargo

Frances McDormand dans Fargo

 

 

 

 

 

 

 

 

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Barton Fink de Joel Coen

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ARTE consacre une soirée spéciale à Joel et Ethan Coen, présidents du jury du 68ème Festival de Cannes en diffusant deux de leurs meilleurs films, présentés et primés à Cannes, dimanche 17 mai : Fargo à 20h45 et Barton Fink à 22h20.

Barton Fink obtint en 1991 la Palme d’or, mais aussi le prix de la mise en scène et le prix de la meilleure interprétation masculine pour John Turturro (photo en tête de texte). Récompenses attribuées par un jury présidé par Roman Polanski, qui ne fut sans doute pas insensible à l’humour noir, au style et aux préoccupations du film, assez proches de ceux du réalisateur du Locataire.

Le quatrième long métrage des frères Coen propose un point de vue très sardonique sur le Hollywood du début des années 40, à travers les mésaventures d’un dramaturge en vogue invité à Los Angeles par Capital Pictures pour y écrire un film. Barton Fink, intellectuel juif new yorkais aux idées progressistes écrit des pièces aux thèmes sociaux dont les protagonistes appartiennent au prolétariat. Avec un mélange de naïveté et de prétention il espère importer son art et ses convictions politiques dans des fictions hollywoodiennes. Rien ne se passe comme Fink le croyait. Le patron du studio est un vulgaire mégalomane, l’hôtel où est logé Barton est un bouge humide et étouffant, la commande qui lui est passée – écrire un film de catch pour Wallace Beery – ne l’inspire pas du tout. Barton Fink tord le cou à de nombreux clichés sur le Los Angeles ensoleillé des années 40 et Hollywood usine à rêves puisque l’action du film se déroule presque entièrement dans l’hôtel de Barton, où le prétendant scénariste seul devant sa page blanche est visité par un étrange voisin obèse, représentant de commerce solitaire en quête de camaraderie. L’autre rencontre que fait Barton est celle d’un célèbre écrivain alcoolique lui aussi exilé et insatisfait à Hollywood, inspiré par William Faulkner (Barton Fink est quant à lui calqué sur Clifton Odets, auteur de théâtre de gauche qui écrivit et réalisa quelques films.)

Barton Fink

Barton Fink

Juste après Miller’s Crossing les frères Coen réalisent un nouveau « film cerveau », un récit onirique en vase clos dans lequel chaque détail du décor prend une connotation organique. Le corridor, l’ascenseur, la chambre à coucher sombre et d’une chaleur étouffante, avec le papier peint qui se décolle des murs renvoient aux lobes du cerveau de Barton, bombardé d’informations angoissantes ou inquiétantes, avec comme point d’orgue la découverte d’un cadavre de femme dans son lit. Ivre de célébrité et de gloire à New York Barton Fink devient à Hollywood un petit scribouillard impuissant et terrorisé par les pontes des studios ou les policiers antisémites qui viennent l’interroger. Le sentiment de persécution et de paranoïa de Fink, qui a de plus en plus de mal à distinguer la réalité du cauchemar et de l’hallucination, ne tient pas seulement à son inadaptation dans un nouvel univers impitoyable mais aussi à sa classe et à ses origines ethniques, dans une Amérique qui sort tardivement de son isolationnisme pour s’engager dans le second conflit mondial après l’attaque de Pearl Harbour, et qui compta avant son entrée en guerre de nombreux sympathisants nazis et adversaires d’une intervention en Europe sous le joug de Hitler.

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Mort à Venise de Luchino Visconti

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ARTE diffuse lundi 18 mai à 20h50 Mort à Venise (Morte a Venezia) de Luchino Visconti, prix du 25ème anniversaire du Festival de Cannes en 1971, pour le film et l’ensemble de l’œuvre de son réalisateur. 1911. Gustav von Aschenbach (Dirk Bogarde, inoubliable), un compositeur allemand en convalescence à Venise est fasciné par un adolescent androgyne croisé au Lido, le Polonais Tadzio, qui passe les vacances au Grand Hôtel des Bains avec sa mère et ses frères et soeurs. Tandis que le choléra se propage dans la cité des Doges, Aschenbach n’a d’yeux que pour le beau Tadzio qu’il observe de loin sans oser lui parler.

Tadzio (Björn Andresen) dans Mort à Venise

Tadzio (Björn Andresen) dans Mort à Venise

Longtemps mésestimé par l’intelligentsia cinéphilique dans la filmographie intimidante de Luchino Visconti, cinéaste trop effrontément génial et supérieur pour déclencher chez la critique un désir de redécouverte et de réévaluation, ce chef-d’œuvre du cinéma mondial mérite pourtant d’être revisité. On s’est un peu trop vite moqué du raffinement extrême, du perfectionnisme délirant, de l’amour excessif du cinéaste pour les costumes et les décors, de son repli assumé dans les ors du passé pour ne pas voir que Mort à Venise, au-delà de la méditation sur l’art, la beauté et la vieillesse qu’il propose, est un essai cinématographique sur le regard et le désir, quasiment dénué d’action. Nous sommes au cœur delà dimension expérimentale du cinéma de Visconti, qui approche ici un équivalent du style sensualiste de Proust à l’écran, à une époque où il travaillait à l’adaptation de A la recherche du temps perdu – projet qu’il devra malheureusement abandonner quelques années plus tard.

Dirk Bogarde dans Mort à Venise

Dirk Bogarde dans Mort à Venise

Avec Mort à Venise, Visconti réussit une admirable méditation décadentiste sur les divergences entre la vie et la création. Dans cette rêverie homosexuelle le zoom optique – soit un mouvement immobile – trouve une utilisation géniale comme expression de la pulsion voyeuriste mais aussi de la mort. Visconti adapte la nouvelle Mort à Venise en y ajoutant des retours en arrière nourris par des extraits d’une autre œuvre de Mann le roman Docteur Faustus. Visconti fait de son protagoniste principal un musicien et non pas un écrivain, glissant ainsi de la figure de Mann à celle de Gustav Mahler, dont l’Adagietto de la Symphonie n°5 est devenu indissociable de la tristesse infinie de Aschenbach et des images sublimes de Mort à Venise.

 

 

 

 

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Rosetta de Luc et Jean-Pierre Dardenne

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Mercredi 20 mai à 20h50 ARTE diffuse Rosetta de Luc et Jean-Pierre Dardenne, Palme d’or et prix d’interprétation féminine pour Emilie Dequenne au Festival de Cannes en 1999, suivi à 22h25 du documentaire de Auberi Elder Il était une fois… Rosetta.

La Promesse, leur film précédent, avait marqué un tournant dans la carrière des frères cinéastes qui y appliquait pour la première fois certaines méthodes de travail et une approche radicale de sujets sociétaux. Un cinéma né de l’observation de la réalité mais aussi d’une réflexion sur la place de la caméra, la direction d’acteurs soumis à un « modelage » au cours de nombreuses prises avec des partis-pris esthétiques qui abandonnent tous les artifices du cinéma et même la psychologie pour se concentrer sur la force et la vérité des corps et des gestes. Rosetta sera la consécration précoce et l’affirmation triomphante d’une « méthode » qui n’est pas destinée à se répéter mais plutôt à se consolider et à s’ouvrir à de nouvelles expériences dans un paysage – la Belgique ouvrière, et plus précisément Seraing ville industrielle de la province de Liège – qui reste sensiblement identique de film en film.

Emilie Dequenne dans Rosetta

Emilie Dequenne dans Rosetta

Rosetta est donc ce chef-d’œuvre fondateur qui doit son titre au prénom d’une jeune fille en perpétuel mouvement, que la caméra ne lâche jamais, et suit généralement au plus près. Le film est un véritable manuel de survie, le portrait d’une guerrière qui doit recommencer chaque jour les mêmes gestes pour ne pas couler comme sa mère – épave humaine sombrée dans l’alcool et la prostitution – et qui part inlassablement chaque matin à la recherche d’un emploi stable.

Trouver un travail coûte que coûte, jusqu’à la tentation du meurtre et au prix de la délation, pour s’intégrer à la société et sortir de la précarité, telle est la quête, l’idée fixe de Rosetta.

Les frères Dardenne constatent la faillite de la solidarité de classe entre prolétaires dans un monde où chacun doit se battre pour lui-même et contre l’autre, où l’homme est exploité par l’homme.

Par sa solitude et le conflit moral dont elle fait l’expérience Rosetta est une petite sœur de la Mouchette de Bernanos et de Bresson. Nul doute que les frères Dardenne ont pensé à ces illustres modèles en imaginant leur héroïne, qui surmonte à grand peine le désespoir et le découragement par une énergie et une violence hallucinantes. Il n’est pas interdit de trouver dans ce film laïc et matérialiste un écho à la passion de certaines figures de la foi chrétienne, figures de douleur mais aussi de résistance.

Rosetta, c’est aussi et avant tout la naissance sous nos yeux d’une grande actrice à peine âgée de 17 ans au moment du tournage, Emilie Dequenne. Jouer pour la première fois devant la caméra de cinéastes exceptionnels ne veut évidemment pas dire qu’on est une « non professionnelle » et la suite de la carrière d’Emilie Dequenne, qui a confirmé son talent à de nombreuses reprises en travaillant avec d’autres cinéastes et en apparaissant dans des films fort éloignés du style de Rosetta et de l’exigence des frères Dardenne est là pour le démontrer.

 

Rosetta sera aussi disponible en Replay, sur ARTE+7.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Libero de Kim Rossi Stuart

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ARTE diffuse Libero (Anche libero va bene, 2006) de Kim Rossi Stuart, découvert à la Quinzaine des Réalisateurs, jeudi 21 mai à 13h35.

Kim Rossi Stuart était déjà l’un des meilleurs acteurs de sa génération en Italie, et pas seulement une très belle gueule de jeune premier.

Débutant dans Le Nom de la rose, il avait acquis au gré des rôles au cinéma et au théâtre une certaine notoriété et une excellente réputation, tournant notamment dans Par-delà les nuages de Michelangelo Antonioni, Les Clefs de la maison de Gianni Amelio ou Romanzo criminale de Michele Placido.

Ses premiers pas derrière la caméra avec Libero, qu’il a mis en scène, interprété et coécrit, ont démontré que c’était aussi un excellent cinéaste, avec une vraie personnalité et un ton singulier par rapport à d’autres films italiens. Ici le ton est âpre et même violent, sans aucune des afféteries du cinéma mélodramatique ou psychologique transalpin. Sans chauvinisme aucun c’est plutôt au cinéma français, celui de Maurice Pialat ou Claude Sautet, que l’on pense en découvrant Libero. Et aussi de Truffaut, puisque le film de Kim Rossi Stuart met en scène avec beaucoup de sensibilité un jeune garçon confronté à la tristesse et aux problèmes des adultes.

Kim Rossi Stuart dans son film Libero

Kim Rossi Stuart dans son film Libero

« Tommi, onze ans, sa grande sœur Viola et leur père Renato forment une famille étrangement unie depuis que la mère des deux enfants les a abandonnés. Cette famille pleine de rage et d’imperfections, d’une inconsolable solitude, tient debout malgré tout grâce au souci constant de chacun pour les autres, et à leur amour. »

Avec ce film autour de l’enfance, émouvant, cruel et pudique, avec des enfants souvent plus responsables et matures que leurs géniteurs névrosés, Kim Rossi Stuart – qui ne souhaitait pas au départ jouer dans son propre film mais dut remplacer un acteur défaillant dans le rôle du père de Tommi – signe à notre avis l’une des meilleures premières œuvres cinématographiques vues en Italie dans les années 2000. Ce pays dont l’industrie cinématographique en crise depuis plusieurs années continue heureusement de nous réserver de belles surprises, grâce à la résistance courageuse et au talent de ses auteurs, et surtout grâce à une nouvelle génération de jeunes cinéastes indépendants à suivre de près.

Kim Rossi Stuart fut l’un d’entre eux, même s’il n’a pas voulu ou pas pu persévérer dans cette direction. On peine à croire que Libero ne soit qu’un simple et heureux accident, mais c’est pour l’instant le seul long métrage de Kim Rossi Stuart. On espère qu’il y en aura d’autres un jour.

 

 

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L’Esclave libre de Raoul Walsh

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ARTE diffuse dimanche 24 mai à 20h45 L’Esclave libre (Band of Angels, 1957) de Raoul Walsh. « Le film romanesque par excellence » écrit Jacques Lourcelles à propos de L’Esclave libre dans son dictionnaire et on ne peut que lui donner raison.

L'Esclave libre

L’Esclave libre

Kentucky, 1850. La fille d’un propriétaire ruinée (Yvonne De Carlo) découvre que sa mère était noire. Elle manque de devenir folle, subit l’humiliation de l’esclavage avant d’être achetée par un mystérieux aventurier (Clark Gable) dont elle tombera amoureuse. L’Esclave libre compte parmi les nombreux chefs-d’œuvre de Raoul Walsh qui signe un sublime mélodrame à mille lieues de tous les Autant en emporte le vent du monde.

Le film confirme l’affection qu’éprouvait Walsh pour les parias, les marginaux et les déclassés de toutes sortes, davantage que pour les figures héroïques qui sont finalement peu nombreuses dans son œuvre. Le couple d’amants impossibles formé par Yvonne de Carlo et Clark Gable est l’un des plus émouvants et sensuels du cinéma hollywoodien. L’une est marquée du sceau de l’infamie, l’autre charrie la faute d’un sombre passé. C’est le troisième film tourné coup sur coup par Gable et Walsh, duo de rêve, après Les Implacables et Le Roi et Quatre Reines. Une fois n’est pas coutume le titre français avec son admirable oxymore est plus beau que l’original.

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Le Mariage de Maria Braun de Rainer Werner Fassbinder

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ARTE diffuse mercredi 27 mai à 20h50 Le Mariage de Maria Braun (Die Ehe der Maria Braun, 1978) de Rainer Werner Fassbinder, suivi à 22h45 d’un documentaire de Annkatrin Hendel sur le réalisateur allemand, qui aurait eu 70 ans le 31 mai 2015.

C’est dans cette série de films réalisés dans les années 70, de Tous les autres s’appellent Ali au Secret de Veronika Voss, en passant par le titre en question Le Mariage de Maria Braun, l’un de ses plus grand succès qui lui ouvre la voie de la célébrité internationale, qu’apparaît très clairement un des projets les plus passionnant et ambitieux de Fassbinder. Le cinéaste dresse le portrait de l’Allemagne de l’Après-guerre, du miracle économique, avec la libération des mœurs, l’exaspération des sens mais aussi les cicatrices ouvertes et les ruines fumantes de la guerre et les fantômes du nazisme. C’est la « Comédie humaine » de Fassbinder, qui sur le modèle balzacien observe la circulation du désir et de l’argent, et propose une radioscopie de la société allemande, en filmant aussi bien les classes moyennes que le prolétariat, les hautes sphères du pouvoir que les groupuscules terroristes (La Troisième Génération), en passant par les milieux marginaux (le magnifique Droit du plus fort dans lequel Fassbinder interprète le rôle principal.)

Le Mariage de Maria Braun est le premier volet d’une trilogie sur la RFA dans les années 50, qui sera suivi par Lola, une femme allemande et Le Secret de Veronika Voos. Pour parler de son pays, Fassbinder décide de raconter le destin de femmes, mi putes mi déesses, sur le modèle de Marlene Dietrich. Fassbinder « invente » les nouvelles stars du cinéma allemand, ou plutôt ses propres stars intégrées à sa troupe : Hanna Schygulla (magnifique dans le rôle de Maria Braun), Barbara Sukowa, Ingrid Caven, Margit Carstensen…

Anna Schygulla dans Le Mariage de Maria Braun

Anna Schygulla dans Le Mariage de Maria Braun

Cette trilogie est un feuilleton politique d’une grande intensité romanesque et qui entretient, comme les autres films historiques du cinéaste, un rapport ambigu au passé, qui mêle nostalgie et règlements de comptes.

Le Mariage de Maria Braun suit le destin d’une femme pendant les années de reconstruction de l’Allemagne, entre 1943 et 1954. Pendant la séquence du générique elle épouse dans une ambiance chaotique un soldat qui doit repartir au front quelques heures après son mariage. Porté disparu puis annoncé comme mort à la fin de la guerre, le mari fait une réapparition surprise et surprend Maria dans les bras de son amant, un soldat américain noir dont elle attend un enfant. Maria tue l’Américain mais c’est Hermann son mari qui s’accuse du meurtre. Hermann condamné à plusieurs années de prison, une nouvelle longue séparation attend les deux époux. Maria Braun se transforme en aventurière arriviste, froide et méthodique, dans une période qu’elle qualifie de « mauvaise pour les sentiments ». Véritable « Mata Hari du miracle économique » elle devient la maîtresse d’un riche industriel et apprend à ses côtés tous les rouages du monde des affaires, prête à tout pour devenir riche le plus rapidement possible afin de commencer une nouvelle vie avec Hermann quand il sortira de prison.

A revoir Le Mariage de Maria Braun on est frappé par la virtuosité cinématographique de Fassbinder – aidé par son directeur de la photographie Michael Ballhaus – qui multiplie les mouvements de caméra complexes dans des lieux clos et sinueux aux nombreuses parois et ouvertures (l’étonnante perforation murale qui traverse l’appartement misérable de la mère de Maria au début du film), véritable scénographe de l’écran dont on devine la grande expérience théâtrale qui précéda sa frénésie de tournages.

Elle se ressent dans la direction d’acteur, mais aussi dans la mise en scène de Fassbinder, loin de tout réalisme. L’influence des Damnés de Visconti (un des films préférés de Fassbinder) est ainsi flagrante, à laquelle s’ajoute les admirations de cinéphile de Fassbinder, dont les idoles étaient bien sûr Douglas Sirk mais aussi Raoul Walsh (voir L’Esclave libre et ses amours multiraciales diffusé quelques jours sur ARTE avant Le Mariage de Maria Braun) et Michael Curtiz, autre peintre de l’arrivisme dont les mélodrames féminins et cruels (Le Roman de Mildred Pierce) inspirèrent profondément le génial et turbulent cinéaste allemand passionné par le cinéma hollywoodien classique.

 

 

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Quarante Tueurs de Samuel Fuller

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Sidonis propose à la vente à partir du 15 mai en DVD et pour la première fois en Blu-ray Quarante Tueurs (Forty Guns, 1957) de Samuel Fuller. Dernier western de son réalisateur Quarante Tueurs est malgré son petit budget un monument de cinéma baroque. Le contexte historique ou politique y est presque totalement absent, au contraire des autres titres de Fuller dans le genre, J’ai tué Jesse James, Le Baron de l’Arizona et Le Jugement des flèches, même si le scénario évoque en biais le thème de la fin de l’Ouest. On nage en revanche en plein délire érotique et Quarante Tueurs est « un film de fous sur la folie », l’autre grand sujet de Fuller (avec la violence), qui devait plus tard signer le chef-d’œuvre définitif sur la question: Shock Corridor. Dans Quarante Tueurs, une femme de poigne dirige une bande de gaillards qui sème la terreur dans la région et materne son jeune frère, un abruti sadique, avec une affection suspecte. Deux frères hommes de loi, accompagnés de leur cadet, vont tenter de remettre un peu d’ordre dans la ville. Le film devait au départ s’intituler « La Femme au fouet » (du nom de la chanson qui accompagne l’action), un titre qui rend davantage justice aux tendances dominatrices du personnage de Barbara Stanwick, dont l’autorité sur ses hommes se situe dans des zones plus troubles que le matriarcat. Fuller préféra pour le rôle Stanwyck, la cinquantaine bien tapée, à la plus jeune et sexy Marilyn Monroe. Le cinéaste a raconté que Quarante Tueurs était d’abord un film sur les armes, et cette approche fétichiste rend particulièrement amusant les scènes de séduction. L’aspirant shérif courtise la fille de l’armurier tandis que celle-ci prend ses mensurations pour lui fabriquer une arme sur mesure; plus tard Barbara Stanwick exprime le désir de caresser le gros calibre du héros, qui n’a plus jamais dégainé depuis le meurtre d’un jeune homme dix ans auparavant. Ces audaces s’accompagnent évidemment des géniales trouvailles visuelles du cinéaste, jamais à court d’idées chocs et inoubliables. Dès le premier plan (les ombres de nuages affleurent un paysage de plaine, bientôt traversé par la horde des quarante cavaliers), le spectateur comprend que le cinéaste a l’intention d’utiliser le CinemaScope comme personne n’avait osé le faire avant lui. Fuller aime les mouvements de grues insensés, les longs plans complexes, mais maîtrise aussi la litote (la sublime scène d’enterrement) et apprécie les images brèves qui détonnent à l’intérieur du film. On est encore surpris par les plans flous en caméra subjective (le vieux shérif devient aveugle), les gros plans qui cadrent les yeux du héros dans la scène du duel (figure de style inhabituelle à l’époque), et surtout l’image d’une jeune femme filmée de l’intérieur du canon d’une arme, telle une cible désirée. Même si Samuel Fuller dut y ajouter un épilogue conventionnel, la célèbre scène finale symbolise à elle seule l’anticonformisme du grand cinéaste, le plus déchaîné des « mavericks » de Hollywood.

Barbara Stanwick dans Quarante Tueurs de Samuel Fuller

Barbara Stanwick dans Quarante Tueurs de Samuel Fuller

 

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Laurence Anyways : rencontre avec Melvil Poupaud

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LAURENCE-ANYWAYS-Melvil-Poupaud-@Clara-PALARDY

Dans le cadre de sa programmation « spécial Cannes » ARTE diffuse mercredi 13 mai à 20h50 Laurence Anyways de Xavier Dolan découvert en 2012 dans la section Un Certain Regard. Le jeune cinéaste québécois Xavier Dolan révélé par la Quinzaine des Réalisateurs en 2009 avec son premier long métrage J’ai tué ma mère, devenu un habitué de la Croisette, revenait en force avec cette belle fresque amoureuse (une dizaine d’années en 2h40 de film, on pense à Nos plus belles années de Sidney Pollack) sur les tourbillons d’un couple qui s’aime, se sépare, se retrouve. Le style extravagant du réalisateur, qui n’a pas peur du kitsch et fait ici des choix esthétiques plus affirmés et cohérents que dans ses films précédents est au service d’un sens du romanesque très fort. Le film a aussi la bonne idée de ne pas se transformer en étendard de la transsexualité ou de sombrer dans le prêchi prêcha et l’éloge de la tolérance et de la différence, il s’agit d’une aventure personnelle (le changement de sexe) synchrone avec les changements d’une époque et le désir d’absolu et de liberté, l’élan rimbaldien qui caractérise le travail de Xavier Dolan.

C’est peut-être le film le plus enthousiasmant de l’enfant terrible du cinéma québécois, par son énergie mais aussi son écriture et sa mise en scène, dont il faut reconnaître l’originalité. Xavier Dolan ose le mélodrame hollywoodien transgenre et flashy, avec une belle utilisation de la musique et des effets de mode de la fin des années 80. Les acteurs sont remarquables, notamment le couple vedette Suzanne Clément et Melvil Poupaud, dans le rôle de Laurence, un homme hétérosexuel qui décide de devenir une femme à 35 ans.

A l’occasion de la diffusion du film sur ARTE nous avons souhaité en discuter avec son interprète principal Melvil Poupaud, déjà formidable chez Ruiz, Rohmer, Ozon ou Desplechin et qui délivre dans Laurence Anyways une performance extraordinaire. A noter que Melvil Poupaud est membre du jury Caméra d’Or cette année à Cannes tandis que Xavier Dolan siège dans le jury de la Compétition officielle.

 

Melvil Poupaud dans Laurence Anyways

Melvil Poupaud dans Laurence Anyways

 Laurence Anyways est disponible en Replay sur ARTE+7.

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Cannes 2015 Jour 1 : notre passion du cinéma est sans frontières

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Cette année ARTE accompagne une vingtaine de films au Festival de Cannes (qui commence aujourd’hui) : quatre longs métrages en lice pour la Palme d’or, mais aussi un court métrage en compétition et de nombreux autres films, fictions ou documentaires, premiers longs métrages de jeunes cinéastes ou nouvelles créations des grands maîtres du cinéma contemporain invités dans les différentes sections de la manifestation cannoise, de la Sélection officielle à l’Acid, en passant par la Semaine de la Critique et la Quinzaine des Réalisateurs. De quoi prédire une belle dizaine de jours dans les salles obscures du festival, sans compter les autres films de cinéastes que nous aimons et que nous sommes avides de découvrir et de vous rendre compte, sur ce blog et sur l’offre numérique ARTE Cinéma.

Plus que jamais ARTE est le partenaire privilégié des auteurs débutants ou consacrés, avec des films en provenance de tous les continents, qui démontrent la passion du cinéma de la chaîne franco-allemande et sa volonté de rester attentive aux bouleversements artistiques et économiques de ce médium et aux préoccupations des auteurs et producteurs de films. Chaque année les œuvres soutenues par ARTE sont l’expression d’un regard et d’un style personnels et offrent un témoignage de leur époque au travers d’histoires humaines, réelles ou inventées, capables de nous émouvoir, de nous enchanter et aussi de nous éveiller au monde qui nous entoure, par des questionnements esthétiques et politiques (comme si les uns pouvaient aller sans les autres!)

Miguel Gomes dans son film Les Mille et Une Nuits vol. 3, l'enchanté

Miguel Gomes dans son film Les Mille et Une Nuits vol. 3, l’enchanté

La découverte cette année à Cannes des nouveaux films immenses de Jia Zhangke (Mountains May Depart, photo en tête de texte) et Miguel Gomes (le triptyque des Mille et Une Nuits), entre autres merveilles annoncées, nous rappellera si nécessaire que tout est question de mise en scène et que le souffle romanesque et la poésie sont indissociables d’un point de vue critique et documenté sur les crises intimes et à l’échelle des nations que nous traversons actuellement.

 

Parce que les films à voir ne sont pas seulement sur la Croisette ARTE proposera sur son antenne pendant toute la durée du festival une programmation spéciale cinéma avec plusieurs chefs-d’œuvre ayant marqués l’histoire de Cannes, de Mort à Venise à Rosetta, sans oublier des soirées consacrées à Orson Welles (La Dame de Shanghai et La Soif du mal) et aux frères Coen (Fargo et Barton Fink), présidents du jury de la 68ème édition cannoise. L’actualité cannoise fera aussi l’objet d’un traitement particulier sur ARTE Journal et sur l’offre numérique ARTE Cinéma, qui proposera des rencontres quotidiennes avec des invités autour de leurs films, et des textes critiques.

Cemetery of Splendour de Apichatpong Weerasethakul

Cemetery of Splendour de Apichatpong Weerasethakul

Dans l’impatience de partager notre enthousiasme avec leurs premiers spectateurs, nous félicitons chaleureusement Joachim Trier, Stéphane Brizé, Nanni Moretti, Jia Zhangke, Naomi Kawase, Apichatpong Weerasethakul, Corneliu Porumboiu, Miguel Gomes, Philippe Garrel, Philippe Faucon et tous les autres cinéastes invités à Cannes et coproduits par ARTE, désireux et capables de porter aussi haut l’ambition, la beauté et la diversité de la création cinématographique.

Fatima de Philippe Faucon

Fatima de Philippe Faucon

 

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Cannes 2015 Jour 1 : Carrosse d’Or à Jia Zhangke (Quinzaine des Réalisateurs)

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Demain, jeudi 14 mai lors de la soirée d’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs la SRF – Société des Réalisateurs de Films – décernera son Carrosse d’or à Jia Zhangke (photo en tête de texte sur le tournage de A Touch of Sin).

Depuis 2002, les réalisateurs de la SRF rendent hommage à un de leurs pairs en lui remettant un prix, « Le Carrosse d’or », pendant le Festival de Cannes. Ce prix est destiné à récompenser un cinéaste choisi pour les qualités novatrices de ses films, pour son audace et son intransigeance dans la mise en scène et la production.

Platform de Jia Zhangke

Platform de Jia Zhangke

Jia Zhangke, né en 1970 à Fenyang, dans la province du Shanxi, compte parmi les quelques cinéastes majeurs apparus à la fin des années 90, avec à peine une dizaine de longs métrages, le même nombre de courts, et presque autant de chefs-d’œuvre. Attentif aux métamorphoses de la Chine moderne, Jia Zhangke s’impose comme l’archiviste de l’inconscient et de l’histoire de son pays, à travers des récits qui mêlent les souvenirs personnels, le romanesque et le travail documentaire. Jia Zhangke étudie d’abord la peinture et publie un roman en 1991. Après un moyen métrage expérimental, son premier long métrage, Xiao Wu artisan pickpocket (1997), réalisé avec peu de moyens et hors du circuit traditionnel, l’impose d’emblée comme le chroniqueur sensible de la jeunesse chinoise, et l’héritier direct de Roberto Rossellini. Son deuxième film, l’éblouissant Platform (2001), observe sur une durée de dix ans le désarroi d’un groupe de garçons et de filles, dont la vie est rythmée par les chansons taïwanaises interdites et les spectacles musicaux. Rarement œuvre autobiographique aura atteint une dimension aussi universelle. Plaisirs inconnus, nouvelle chronique provinciale, confirme la sensualité et l’intelligence du cinéma de Jia Zhangke, poète inspiré du spleen amoureux et du malaise d’une génération perdue. Still Life (2006), Lion d’or à Venise, apporte la consécration internationale à Jia Zhangke, dont la plupart des films n’obtiennent pas d’autorisation de distribution en salles dans son propre pays. Cette fresque intimiste, voyage dans la vallée des Trois Gorges, en amont du plus grand barrage du monde, enregistre à la fois les profonds bouleversements humains et géographiques de la Chine contemporaine, et la quête amoureuse d’un homme et d’une femme. The World (2004) son premier film réalisé et diffusé avec l’accord de l’Etat chinois, puis les essais cinématographiques Useless, 24 Cities et I Wish I Knew, complètent une œuvre géniale et en perpétuel questionnement formel, cherchant inlassablement à mieux comprendre la Chine. 2013 marque le grand retour à la fiction de Jia Zhangke qui signe avec A Touch of Sin un tableau d’une noirceur extrême de la Chine contemporaine avec quatre récits imbriqués mettant en scène des situations sans issue vécues par des personnages qui s’expriment par la violence en commettant des actes désespérés. En s’inspirant de multiples incidents tragiques relayés par internet Jia Zhangke renoue paradoxalement avec la tradition du « wu xia » cinématographique et littéraire, ces histoires de guerrières et de chevaliers confrontés eux aussi à l’injustice et à l’oppression.

A Touch of Sin de Jia Zhangke

A Touch of Sin de Jia Zhangke

Véritable inventeur de formes, Jia Zhangke insuffle à son cinéma une stylisation nouvelle, travaillant les codes du film d’arts martiaux tel qu’il fut magnifié par King Hu ou Chang Cheh dans les années 60 et 70.

Le nouveau film de Jia Zhangke, qui sera dévoilé en Compétition durant le Festival de Cannes, Mountains May Depart, est un sublime mélodrame qui reprend certains personnages de Platform pour suivre leur destinées à trois époques différentes, de 1999 à 2024. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette histoire d’amour et de Chine avec son auteur le jour de sa projection officielle.

Mountains May Depart de Jia Zhangke

Mountains May Depart de Jia Zhangke

 

En attendant, la remise du Carrosse d’or sera précédée au Théâtre Croisette, la salle de la Quinzaine des Réalisateurs, de la projection de Platform à 14h et d’une masterclass avec Jia Zhangke que j’aurai l’honneur d’animer. La captation filmée de cette masterclass sera ensuite disponible pendant le Festival sur le site de la Quinzaine des Réalisateurs et sur l’offre numérique ARTE Cinéma.

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Cannes 2015 Jour 1 : AN de Naomi Kawase (Un Certain Regard, film d’ouverture)

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Un an après le très beau Still the Water, le nouveau film de Naomi Kawase AN est peut-être son meilleur. Attachée à sa ville natale de Nara et aux zones naturelles du Japon – campagne, forêts, îles et rivages – propices à ses méditations shintoïstes sur le rapport entre l’homme et le monde, elle délaisse pour la première fois les scénarios originaux pour adapter un roman de Durian Sukegawa auréolé d’un grand succès de librairie, et installe sa caméra dans une petite gargote tokyoïte dans laquelle Sentaro, un gérant alcoolique et revenu de tout cuisine sans conviction des « dorayakis » (crêpes fourrées aux haricots rouges confis) pour les étudiants et quelques habitués du quartier. Jusqu’au jour où une vieille dame, Tokue, insiste pour travailler à ses côtés. Il découvre ses fabuleux talents culinaires, et en particulier son art de la fabrication de la pâte « An » formée à partir de haricots rouges (« azuki ») pour fourrer les pancakes. La vieille dame aux mains accidentées et à la gentillesse infinie accorde une sorte d’amour et de dévotion à ces haricots rouges qu’elle cuisine selon un rituel poétique capable de faire entrer toute l’harmonie de l’univers dans une casserole… Au-delà d’une délicieuse recette de cuisine la vieille dame et son employeur retrouvent un lien séculaire oublié entre l’homme et le règne végétal, et donc la nature. Cuisiner et savourer des mets délicieux s’érigent aussi en résistance à la violence et à la vulgarité du monde moderne, comme un retour aux sources, une façon de regagner sa dignité. Même en ville Kawase observe le cycle des saisons et de la vie au travers des rythmes saisonniers et en particulier les cerisiers dont la floraison si belle et si fugace évoque la mort. Comme les pétales des cerisiers la vie est source de joie mais elle s’efface brusquement. Sentaro et Tokue sont deux parias de la société, l’un a connu la prison et s’est endetté à vie, noyant sa tristesse dans l’alcool, l’autre, portant les stigmates de la lèpre, vit à l’écart du monde avec ses semblables, victime des préjugés dans un sanatorium… On l’aura compris AN est un film bouleversant, l’histoire d’une rencontre et d’une amitié insolites qui débouche sur une réflexion sur la beauté et le mystère de la vie.

AN de Naomi Kawase

AN de Naomi Kawase

Plutôt que de ressasser à l’infini le même film Kawase se remet en question en s’emparant de l’histoire d’un autre et en adoptant un style plus classique, une caméra moins flottante. L’écran large et la rigueur des plans, à la lenteur jamais pesante, apportent une grâce nouvelle. Mais Kawase demeure fidèle à sa philosophie de la vie et du cinéma. Rarement hommes et femmes, aux différents âges de l’existence, en proie au doute ou au désespoir, n’auront été filmé avec autant de bonté et de délicatesse. Nul doute que ce chef-d’œuvre saura émouvoir de nombreux spectateurs, y compris ceux qui ne connaissaient pas les films précédents de Naomi Kawase, ici au sommet de son art.

 

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Histoires de cinéma : rencontre avec Frédéric Bonnaud

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Lundi 18 mai ARTE diffuse à 22h55 le premier numéro d’une nouvelle collection, Histoires de cinéma de Frédéric Bonnaud réalisée par Florence Platarets et Xavier Villetard, juste après la diffusion de Mort à Venise, le chef-d’œuvre de Luchino Visconti d’après la nouvelle de Thomas Mann. Choix judicieux puisque ce premier numéro sous-titré « Le cinéma peut-il se passer du roman ? » s’intéresse aux noces fécondes entre le cinéma et le roman, à la question de l’adaptation à travers des exemples célèbres, avec des interventions de cinéastes et scénaristes qui se sont confrontés à des œuvres littéraires préexistantes, mais aussi à la figure passionnante du cinéaste écrivain, de Marcel Pagnol à Marguerite Duras. En complément de ces excellentes Histoires de cinéma nous avons souhaité nous entretenir avec le maître d’œuvre de cette collection télévisée, Frédéric Bonnaud – journaliste et critique de cinéma, homme de radio et directeur de la rédaction des « Inrockuptibles », co animateur de « Personne ne bouge ! » sur ARTE – pour discuter de ce nouveau rendez-vous sur ARTE, de ses ambitions et de son sujet, aussi vaste que constitutif de l’histoire et de l’esthétique du cinéma.

Histoires de cinéma sera aussi disponible en Replay sur ARTE+7.

 

Mort à Venise de Luchino Visconti, grande rencontre entre le cinéma et la littérature

Mort à Venise de Luchino Visconti, grande rencontre entre le cinéma et la littérature

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Cannes 2015 Jour 2 : L’Ombre des femmes de Philippe Garrel (Quinzaine des Réalisateurs, film d’ouverture)

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Après La Jalousie on retrouve Philippe Garrel au sommet de son art avec L’Ombre des femmes, presque un film reflet, double inversé du long métrage précédent, auquel il ressemble mais dans une version plus dure, plus tranchante, comme un diamant noir, une épure douloureuse de son art.

Garrel a de nouveau recours à un noir et blanc somptueux (Willy Kurant a cédé la place à Renato Berta), à l’écran large qui rend spectaculaire les plans les plus dépouillés, à un scénario à la simplicité biblique (un homme et deux femmes, sans enfant cette fois-ci).

Nous sommes en terrain connu et pourtant Garrel pousse à son point d’incandescence cette histoire d’amour, de désir et de travail, une matière qu’il reprend sans cesse comme un peintre ou un sculpteur depuis son retour au cinéma narratif au début des années 80.

Stanislas Mehrar et Clotilde Courau dans L'Ombre des femmes

Stanislas Merhar et Clotilde Courau dans L’Ombre des femmes

Pierre (Stanislas Merhar) et Manon (Clotilde Courau) sont un couple de cinéastes qui font des documentaires ensemble. Ils vivent et filment dans un dénuement qui les oblige à accepter des petits boulots pour boucler les fins de mois. Pierre commence au début de L’Ombre des femmes un documentaire sur le témoignage d’un vieux résistant, qui permettra à Garrel tout au long de son film de prolonger sa réflexion sur le mensonge, passant de la sphère intime à celle de l’Histoire de France du XXème siècle qu’il avait déjà abordée dans Liberté, la nuit (l’OAS et les porteurs de valises du FLN), l’un de ses plus beaux films.

Puis Pierre rencontre une jeune femme Elisabeth (Lena Paugam, une révélation) qui devient sa maîtresse, et découvre par son intermédiaire que Manon a elle aussi un amant… de cette trame minimaliste Garrel tire un film émouvant et cruel sur la lâcheté des hommes et la souffrance des femmes. On parle à bon escient des hommes et des femmes car Garrel est capable de porter vers l’universel des histoires qui échappent constamment à la complaisance de l’autofiction.

Garrel filme à l’os, là où ça fait mal. Le choix des acteurs, nouveaux dans le monde de Garrel, n’est pas étranger à la douleur sourde qui se dégage de L’Ombre des femmes. Stanislas Merhar et Clotilde Courau reviennent de loin, on les avait perdu de vue. Révélés par Akerman et Doillon, sœur et frère de cinéma de Garrel qui aime toujours reprendre des visages et des corps apparus dans des films de cinéastes admirés, ils forment un couple d’une obscure clarté, lui presque fantomatique, gris – alors que Louis Garrel dans les films précédents de son père gardait quelque chose de juvénile et d’angélique – elle bouleversante de courage dans son plus beau rôle.

Le film sort dans les salles françaises le 27 mai 2015, distribué par SBS / Capricci Films.

Photo en tête de texte : Stanislas Merhar et Lena Paugam © Guy Ferrandis – SBS Productions

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Rengaine : rencontre avec Rachid Djaïdani

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Rengaine

En clôture de sa programmation « spécial Cannes » ARTE diffuse lundi 25 mai à 23h30 Rengaine de Rachid Djaïdani, découvert en 2012 à la Quinzaine des réalisateurs. Rengaine, qui a bénéficié d’une belle et justifiée cote d’amour lors de sa présentation cannoise et de sa sortie en salles est le premier long métrage de fiction de Rachid Djaïdani, boxeur, acteur (notamment au théâtre dans la troupe de Peter Brook), romancier, documentariste…

Conteur et poète aussi pourrait-on ajouter, devant ce film qui frappe avant tout par son énergie et sa façon poétique de capter la réalité d’une société et surtout d’une ville, Paris et sa banlieue. Film symptomatique du « cinéma guérilla », nouvelle tendance qui peut regrouper le meilleur comme le pire, Rengaine est une réussite dont on oublie rapidement les petites scories pour applaudir les audaces et les idées. C’est une fable, une chanson de geste sur l’histoire d’amour entre un jeune noir catholique, apprenti comédien aux expériences malheureuses et humiliantes et une jeune Arabe. Ils veulent se marier, et le frère aîné de la jeune fille s’oppose à cette union. Pendant les quarante jours du ramadan, il va alerter ses frères (elle en a quarante!) pour les avertir de ce mariage à ses yeux impossible, alors que lui-même est l’amant d’une femme juive.

Si le cinéma est un art de l’urgence, ontologiquement contemporain de ce qu’il montre, alors Rengaine est une aventure importante dans le paysage du cinéma français. Au-delà de son micro budget et de son tournage à l’arrache (ou plutôt « à la Rachid »), le film tient debout et n’a rien d’indigent. Il propose un portrait métissée et saisissant de la France d’aujourd’hui et une galerie de personnages pittoresques, tour à tour drôle et émouvante, où le acteurs, pour la plupart non professionnels, apportent beaucoup de vécu et d’authenticité à une rengaine qui n’a pas peur de quitter les sentiers rebattus d’un genre (« le film de banlieue ») pour emprunter ceux du réalisme poétique (enfant de Carné et du Signe du lion de Rohmer) et même du surréalisme (on pense à Breton, Queneau et à une certaine tradition de la ballade urbaine et onirique).

A l’occasion de la diffusion de Rengaine sur ARTE nous avons souhaité rencontrer son auteur Rachid Djaïdani et discuter avec lui du style, de la conception et des enjeux de son film.

 

Rengaine

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Rengaine est disponible en Replay sur ARTE+7.

 

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