Capricorn One (1977) s’inspire sans y adhérer des théories conspirationnistes qui ont remis en question le programme Appolo sur la Lune. Dans le film de Peter Hyams, c’est une mission sur Mars qui est annulée au dernier moment pour être remplacée par une transmission télévisée tournée en secret dans un hangar. Ce film s’inscrit dans la grande tradition des thrillers paranoïaques du cinéma américain des années 70, contemporain d’un climat de défiance vis-à-vis des institutions et des médias, dans le sillage du scandale du Watergate et de la guerre du Vietnam, dont le message était clairement progressiste voire libertaire. Ici, c’est la NASA qui est accusée d’organiser une vaste supercherie criminelle. On retiendra à la vision de Capricorn One l’étonnant retournement de situation par rapport aux courants conspirationnistes actuels, assimilés à des mouvances populistes et d’extrême-droite en Europe comme aux Etats-Unis, prompts à dénoncer des mensonges d’état ou des manipulations scientifiques ou médiatiques souvent délirantes. Le film charnière entre ces deux appréhensions de la paranoïa moderne est sans doute Invasion Los Angeles (They Live, 1988) qui fit l’objet d’interprétations contraires aux intentions de John Carpenter. Le cinéaste y dénonçait sans ambiguïté l’ultra-libéralisme reaganien et le consumérisme capable de créer un nouveau totalitarisme politique et économique tandis que des courants suprémacistes américains le prirent en exemple pour étayer leurs théories antisémites.
En 1956, un classique de la science-fiction invitait de manière plus volontaire à une double lecture. L’Invasion des profanateurs de sépultures peut se voir comme une critique du macchartysme et du conformisme de l’ »American Way of Life » (Don Siegel était un cinéaste de gauche) mais ses distributeurs et une large partie du public américain l’apprécièrent comme un film « antirouge » sur les dangers d’un régime communiste liberticide.
Pour revenir à Capricorn One, il s’agit d’un faux film de science-fiction, et d’un vrai film d’action et de suspens qui ne se prend pas trop au sérieux, contrairement aux Hommes du président ou Conversation secrète. Capricorn One emprunte aussi au western, lorsque le désert brulant de Californie vient se substituer aux paysages martiens, le temps d’une chasse à l’homme spectaculaire. Le personnage du journaliste enquêteur, inhérent au thriller politique, semble avoir été ajouté et appartenir à un autre film, d’autant plus qu’il est interprété par Elliott Gould qui a du mal à se départir de sa décontraction et de son ironie naturelle.
Capricorn One compte parmi les meilleurs films de Peter Hyams, cinéaste capable du meilleur comme du pire. On peut signaler parmi ses réussites Les Casseurs de gangs (1978), Outland (1981), remake spatial du train sifflera trois fois, La Nuit des juges (1983) polar complotiste dans la lignée de Magnum Force, une suite bien réalisée mais inutile du chef-d’œuvre de Kubrick, 2010 (1984) ou Relic (1997) un sympathique petit film d’horreur.
Disponible gratuitement sur ARTE.tv jusqu’au 30 juin 2024.
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