
« Le meilleur film jamais consacré à la police de Los Angeles. » C’est un spécialiste qui l’a dit, James Ellroy, lors d’un récent débat à la Cinémathèque française. On ne peut que lui donner raison. Carlotta permet enfin de revoir Les flics ne dorment pas la nuit (The New Centurions, 1972) en DVD et Blu-ray.
De retour aux Etats-Unis après trois tournages européens Fleischer réalise l’un de ses meilleurs films mais aussi l’un des plus beaux films américains des années 70, qui confirme une nouvelle fois le talent mais aussi l’acuité politique, l’humanisme du cinéaste.
A Los Angeles, une nouvelle recrue (Stacy Keach) de la police est associée à un vétéran (George C. Scott), pour les patrouilles de nuit. Les flics ne dorment pas la nuit est une chronique qui se déroule sur une durée de plusieurs mois, constituée de différents épisodes de la vie professionnelle, et parfois intime, d’un groupe de policiers à Los Angeles. La première vertu de ce film, c’est son réalisme et sa dimension prolétarienne. Fleischer montre, fait rare, la vie quotidienne des simples policiers en uniformes, qui arpentent la ville de jour comme de nuit, confrontés à la violence et à la misère sociale du monde moderne. Fleischer filme leur travail avec honnêteté, au ras du bitume, adoptant un style presque documentaire. Il n’a pas peur de se confronter au sordide et à briser certains tabous. Le jeune flic sombre dans l’alcoolisme et boit pendant son service. Une intervention révèle un cas dramatique de maltraitance sur un nourrisson. Une bavure policière ou la mort d’un flic dans la rue sont filmées comme des accidents aussi absurdes que tragiques.

Stacy Keach et George C. Scott dans Les flics ne dorment pas la nuit de Richard Fleischer
Fleischer filme aussi les doutes, les colères, les angoisses des flics sans sombrer dans la démagogie et sans jamais oublier l’importance de la dramaturgie, et encore moins la précision et l’élégance de la mise en scène.
La scène du suicide du personnage interprété par Scott, peu de temps après son départ en retraite, ne possède guère d’équivalent dans le cinéma américain. Comme si la poésie épique rencontrait la rubrique faits-divers.
Le film est adapté – par le scénariste Stirling Silliphant – d’un roman de Joseph Wambaugh, écrivain qui avait été policier à la LAPD avant sa reconversion littéraire et compilait dans « The New Centurions » ses observations et ses souvenirs de patrouille de manière à peine romancée. Les flics ne dorment pas la nuit malgré quelques admirateurs éparpillés dans le monde, et dont le nombre devrait augmenter grâce à cette édition numérique française, n’a pas encore la réputation qu’il mérite. Il fut même à l’époque de sa sortie taxé de fascisme par la critique, à l’instar de L’Inspecteur Harry, parce qu’il s’intéressait au sort de la police en adoptant le point de vue d’une recrue idéaliste. Rien de plus faux et de plus stupide : le film de Fleischer ne possède pas l’ambigüité géniale du film de Don Siegel. Il est juste d’un pessimisme et d’une lucidité à la limite du supportable, et profondément humain.
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