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Le Droit de tuer et Blue Jean Cop de James Glickenhaus

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Carlotta inaugure une nouvelle série de blu-ray, « Midnight Collection », qui exhume quelques grands succès de la VHS. Carlotta réveille la nostalgie des quadragénaires pour les bandes commerciales à petit budget qui après un passage dans les salles de cinéma continuaient leur carrière sur les étagères des vidéoclubs, loués par des adolescents et des amateurs de sensations fortes et d’aventures viriles. Nous sommes à la fin des années 80 et le cinéma américain dit d’exploitation, destiné aux salles spécialisées et au public populaire, vit ses dernières heures de gloire. Bientôt les blockbusters vont squatter les écrans et supprimer la fragmentation des spectateurs. Tout le monde ira voir les mêmes films dans les multiplexes, tandis que les dernières productions indépendantes dédiées aux différents genres trouveront refuge dans la vidéo et la télévision câblée.

Cette première salve met en lumière une poignée de productions typiquement new-yorkaises, que l’on doit à trois des principaux artisans du cinéma d’horreur et d’action dans la Grande Pomme : James Glickenhaus, William Lustig et Larry Cohen.

Commençons par le premier qui ne jouit pas de la même réputation que les deux autres. Né en 1950 à New York, James Glickenhaus décroche le gros lot avec son second long métrage, une production indépendante qui profite de la mode de l’autodéfense lancée par Un justicier dans la ville de Michael Winner. Dans les généalogie des films sur des vétérans du Vietnam déboussolés, Le Droit de tuer (The Exterminator, 1980) se situe exactement entre Taxi Driver (1976) et Rambo (1982). Le film de Glickenhaus montre un ancien G.I. éprouvé par son expérience guerrière – prisonnier des Viêt-Congs, il vit un soldat américain décapité sous ses yeux – partir en croisade contre la délinquance, le crime organisé et toutes sortes de crapules pourries et corrompues dans le New York des docks, de la 42ème rue et des quartiers en ruine du Bronx, lieux de tournages qu’affectionne particulièrement Glickenhaus et auxquels il confère une cinégénie certaine. John Eastland (Robert Ginty, photo en tête de texte) va adapter les techniques de guérilla apprises au Vietnam à la jungle urbaine, et décimer ses adversaires avec sang-froid et imagination.

Le film débute comme un cauchemar, avec une série d’explosions au napalm qui transpercent une jungle de pacotille, puis une scène gore assez traumatisante, digne des pires « slashers » de la même époque. Quelques années après leur retour au pays, le meilleur ami de John est agressé par des voyous qui le laissent paralysé à vie. John décide de le venger. La suite va se caractériser par une narration à la fois simpliste et hasardeuse. Le scénario avance sur un mode punitif : à chaque personnage de criminel ou scène de violence scandaleuse correspond un châtiment préparé ou improvisé par « l’exterminateur », toujours là au bon moment. L’absence totale de charisme de l’acteur Robert Ginty, au visage poupin, amène le film dans une zone étrange qui pourrait presque passer pour de la distanciation. Le Droit de tuer se permet des digressions étonnantes. La romance entre le flic chargé de l’enquête (Christopher George, nul) et une infirmière (Samantha Eggar, égarée), maladroitement rattachée à l’intrigue principale, semble appartenir à un autre film.

L’amateurisme de l’écriture et de la direction d’acteurs est compensé par une appréhension de la violence et de l’action qui n’a peur d’aucun excès, quitte à sombrer dans le grotesque. Certaines idées font basculer ce film au contenu soi-disant réaliste dans les outrances des séries B italiennes profitant de la vague sécuritaire. Un mafioso est passé dans une machine à fabriquer de la chair à saucisse, un pédophile tortionnaire est exécuté avec des balles empoisonnées… L’image choc qui marqua les esprits, utilisée par tout le matériel publicitaire – un musclé à casque de moto maniant le lance-flamme – n’apparaît jamais dans le film, où Eastland manie cette arme uniquement pour intimider un voyou. On croit savoir qu’il réparera cet oubli dans la suite, réalisée par le producteur du premier opus, pour la Cannon. Le Droit de tuer doit sa réputation non pas à des qualités cinématographiques éparses mais à sa violence glauque, son atmosphère poisseuse et à son idéologie douteuse. L’exterminateur veut nettoyer la vermine des bas-fonds aussi bien que les élites politiques corrompues, et prône même l’euthanasie expéditive. Le supposé fascisme du film transpire autant de son discours rudimentaire que de sa représentation complaisante de la violence.

Deux films plus tard (The Soldier avec Ken Wahl, The Protector avec Jackie Chan) Glickenhaus arrange son cas avec le sympathique Blue Jean Cop (Shakedown, 1988). Glickenhaus investit à nouveau les quartiers louches de sa ville et en particulier la 42ème rue, théâtre d’une fusillade spectaculaire et point de départ d’une course poursuite à moto et en voiture jusqu’au quais de l’Hudson. Glickenhaus traite un sujet à la Sidney Lumet – une enquête qui dévoile la corruption de la police new-yorkaise – mais ne peut s’empêcher de retomber dans ses vilains travers, qui sont aussi sa patte de cinéaste : un goût de l’action rocambolesque et décomplexée, qui tranche avec la dimension documentaire de certaines scènes. On adore la première rencontre entre l’avocat survolté (Peter Weller) et le vieux flic rebelle interprété à la perfection par Sam Elliott et ses moustaches poivre et sel. Son personnage vient cuver son whisky dans une salle de cinéma pourrie de la 42ème rue et se brosse les dents dans les toilettes couvertes de graffitis du cinoche. La conversation entre les deux compères se poursuit dans la rue où les façades des cinémas annoncent fièrement… The Soldier et The Exterminator, et plein de productions Cannon et autres films de genre des années 80. Un vrai dépliant touristique ! Glickenhaus propose une sacrée mise en abyme à ceux qui allaient voir Blue Jean Cop dans les salles du quartier où il avait été tourné quelques mois plus tôt. Le cinéaste capte bien l’atmosphère de sa ville, on sent qu’il en connaît les moindres recoins – comme Lumet. Il ne s’embarrasse pas de personnages de méchants caricaturaux mais témoigne du climat de violence et d’insécurité, avec l’arrivée du crack, qui régnait à New York à cette époque avant que Giuliani ne gagne sa croisade contre la criminalité. L’intrigue est bien mieux ficelée que dans Le Droit de tuer et parvient à combiner suspens judiciaire, romance et « buddy movie » copié sur L’Arme fatale. Le film dérape de manière surprenante lors de sa poursuite finale où Glickenhaus perd tout sens de la mesure et du bon goût, avec Sam Elliott accroché au train d’atterrissage et effets spéciaux ridicules. Glickenhaus n’hésite pas à sacrifier le réalisme de son film au profit du divertissement et de l’action en cascade. Mais Blue Jean Cop reste une chouette production typique de ce cinéma du samedi soir, qui bénéficie de la présence de deux acteurs excellents et investis dans leurs rôles.

Sam Elliott dans Blue Jean Cop

Sam Elliott dans Blue Jean Cop

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